Faire Surface – Alain Julliard


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Description

La toute première prise de vue qu’Alain Julliard réalisa, le jour de ses dix ans, fut décisive, initiatique. Depuis, il a su faire de cette renversante découverte le moyen même de sa sensation, et un véritable outil de la pensée. Ses photographies affirment sans détour ce fait, indéfaisable à ses yeux, qui ne cesse de l’émerveiller : que le réel existe. Réellement. Que nous en sommes, tout et tous, entièrement. Sans manque, sans reste, à l’instant et dans la durée. Aussi énigmatique, sidérant même que cela puisse bien être pour qui réalise être là, au monde, en tant que monde : alors voir – penser ça. Son approche artistique, immédiatement sensible quand il s’agit de saisir la forme cristalline d’un instant, analytique, conceptuelle quand il s’agit de découvrir dans la durée ce que ces vues révèlent, passe ici autant par des prises de vue directes de ce qui fait surface – l’instant de la rencontre de soi et d’un dehors du monde – que par leur assemblage : ce livre présente ainsi 157 photographies, réalisées de 1982 à 2019, dont les enjeux s’éclairent d’un dialogue en fin d’ouvrage et articulées en 19 chapitres, ouverts chacun d’une citation qui les relie à un champ de la sensation, à un plan de la pensée. La foisonnante richesse de l’instant se livre à leur transparent point de vue. L’apparente simplicité de leur plan, l’extrême précision de leur composition, ce lucide alliage d’abstrait et de concret recueillent et stabilisent mille profondeurs : l’immédiateté des êtres et des choses, la variance de l’air, l’élan du végétal, les jeux de l’ombre et de la lumière, les caresses de la couleur, l’incessant frémissement de l’immobile… ce qui se trouve là, ce que nous en faisons : ces signes, ces façades, les formes de l’ensemble – et là, le mouvement singulier de qui passe… tout ce climat sensible, miroitant, par lequel le réel ne cesse de s’animer, et sans lequel une photographie ne serait ni une vue qui pense, ni une pensée qui voit… mais tout juste un trophée. Les innombrables présences qui composent chacune de ces photographies y apparaissent dès lors pour ce qu’elles sont : distinctes, liées, toutes de même importance. Et rien n’y est jamais désigné. Ces vues réelles du réel, déterminées en chacun de leurs points, ouvertes à tous les possibles, rendent visible mais n’interprètent pas : elles ne signalent pas ce qu’il faudrait y voir, en penser, ce qu’elles signifieraient. Uniques, communes et silencieuses, elles sont, à l’égal du monde, muettes quant à leurs sens, mais non moins éloquentes dès lors qu’elles nous attrapent, et que nous saisissons. Pierre Stilvosi (mai 2020)

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